L'Europe,

Une CHANCE pour le ferroviaire

…et bien des RISQUES pour la SNCF.

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L'Europe constitue un espace propice au développement du ferroviaire, plaçant ce mode de transport parmi les atouts du développement durable.

Il faut, pour cela, maintenir et développer un réseau ferré intégré et non fragmenté qui contribue à corriger la distorsion des coûts transport routier:

L'Europe doit également permettre aux entreprises publiques de participer à l'aménagement du territoire et d'offrir un service de qualité en toute sécurité, accessible à tous par des prix bas en voyageurs comme en transport de Fret.

Enfin, le développement des moyens de contrôle, y compris syndicaux, doit permettre une réelle application des règles sociales.

La position dogmatique de la commission européenne qui vise à la seule déréglementation du marché comme source du développement doit être fermement combattue car elle peut conduire aux aberrations sociales et économiques vécues en Grande-Bretagne.

Si cette Europe continue à avancer en marchant sur une seule jambe, elle sera à coup sûr très éloignée des citoyens et nourrira les pires replis nationalistes, populistes, voire fascisants.

Jean-Yves PETIT

 

La SNCF face à l'Europe

Développer notre cœur de métier

Faire jouer la complémentarité du groupe

 

SNCF/Europe : à surveiller !

 

Le dialogue social européen, les ambiguïtés de la Direction SNCF et les exigences de la CFDT.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

La SNCF face à l'Europe

 

Affaiblir notre "cœur de métier" , c'est favoriser l'arrivée de la concurrence. L'entreprise ne doit pas se diluer en holding, mais renforcer son efficacité interne et organiser le Groupe SNCF en complémentarité, et non en concurrence, des activités ferroviaires.

 

Développer notre cœur de métier. . .

Les résultats des trafics et des recettes 2002, très inférieurs aux prévisions budgétaires, montrent qu'il faut consolider les trafics Fret, Grandes Lignes (TRN et TGV) et TER plutôt que de se lancer dans une fuite en avant à la conquête des marchés étrangers. La SNCF doit être en capacité de répondre aux besoins de transport sur l'ensemble du territoire, dans le cadre d'une situation financière assainie. L'Etat doit permettre à la SNCF d'assurer son rôle d'opérateur historique incontestable. Au contraire, le détournement de son rôle d'entreprise publique, sous prétexte de recherche de l'équilibre financier la conduira à fragiliser ses missions face aux nouveaux prédateurs.

La multiplication des marques et sous-marques, l'ultra-segmentation du marché, débouchant sur autant de filiales et sous filiales, tant en voyageur qu'en fret, ne sont pas de nature à fortifier la SNCF. Il faut organiser et resserrer les outils de production et de commercialisation plutôt que de les disperser en centres de profits et unités d'affaires, chacun concentré sur son propre compte de résultat. En fret, le rachat par VFLI des Chemins de fer des Houillères de Lorraine semble le "joker" dans ce que la direction appelle une "logique de dissuasion". Mais contre qui ? Comment, pendant ce temps, ne pas voir que l'état économique où se trouve Fret SNCF et son isolement comptable dès 2003 vont affaiblir son potentiel de développement ? Sa segmentation en fera une proie facile pour la concurrence. En voyageurs, la cohérence de la politique tarifaire est de plus en plus mise à mal par des stratégies confuses et contradictoires entre politique de volume (le train rempli à des tarifs accessibles à tous), et une politique de marge (on fait payer le plus cher possible en fonction du taux d'occupation des trains). Il est incohérent ou hypocrite de prétendre vouloir développer la coopération entre entreprises ferroviaires européennes alors qu'on prépare ardemment la concurrence du TGV contre l'ICE. Il est temps de clarifier comment fonctionne la maison SNCF avant d'en ouvrir les portes en mars 2003 !

La vraie coopération consisterait à défendre des modèles, des standards européens proches de ce que chacun a su développer de mieux. Mais cette logique s'oppose au dogme libéral de la concurrence dont la direction de la SNCF s'accommode plutôt bien, dans la mesure ou elle espère dominer une partie du marché, notamment en voyageurs.

 

Faire jouer la complémentarité dans le groupe

 

La stratégie européenne de la SNCF se joue au coup par coup en fonction des opportunités du marché. Les ambitions européennes de certaines entreprises publiques françaises ont amené France Télécom dans le gouffre financier et EDF au bord de la privatisation. Il est important de ne pas laisser faire n'importe quoi au nom de la "conquête des marchés extérieurs".

Quels modèles en Voyageurs ?

Les TGV européens devraient être les "porte-drapeaux" d'un modèle de développement voulu dans le cadre de la politique de volume initiée après l'échec de Socrate. Ils devraient être le maillon complémentaire du réseau à grande vitesse développé sur le territoire. Or, la politique de marque d'Eurostar, Thalys, Lyria... est à l'opposé de cette stratégie. Eurostar illustre à l'extrême cette ambiguïté. La Direction veut utiliser le changement de statut d'Eurostar, supposée une entreprise amie, pour élargir sa desserte au reste du territoire. La Direction fait de la spéculation stratégique en supposant assuré un incertain positionnement international. Elle semble vouloir construire des entreprises européennes de transport ferroviaire de voyageurs sans s'assurer une véritable position dominante sur son territoire naturel. D'autant que l'existence d'un pseudo monopole reste très fragile. Le conflit permanent avec RFF sur l'attribution des sillons, doté de l'ORC, en fait notre plus dangereux frère ennemi.

Dans le cadre de la Régionalisation, Keolis (la filiale routière voyageurs de fa SNCF) devrait être le partenaire efficace dont la SNCF a besoin pour assurer la complémentarité entre modes. Or, loin de se contenter du marché Britannique, Keolis va très haut en Europe chercher des marchés dans l'Urbain et se place en concurrent de Connex (la filiale de Vivendi) et de la DB dans les Lander Allemands. En France, Keolis se met en position d'être un concurrent à Connex, mais aussi à la SNCF, pour répondre à la possible ouverture du marché des dessertes voyageurs ferroviaires régionales en cas d'adoption par le Parlement européen du règlement ESP (Les TER devraient être soumis à appel d'offres). C'est dire si la SNCF s'attend à ce que ses incursions dans le Nord de l'Europe soient suivies de demandes de réciprocité de la part des autres entreprises européennes à qui sa filiale vient disputer les marchés.

Fret crée sa propre concurrence

L'absence de vision stratégique, apparente et lisible, conduit la direction à présenter Ermewa, CNC, et VFLI comme de "gros opérateurs historiques". Il s'agit pourtant de nains de jardin à côté des mastodontes Allemands ou Hollandais. Ces filiales ne répondent que très partiellement à ce que la Direction désigne comme "une demande accrue de solutions européennes de transport et de logistique". Dans ce contexte, l'absence de stratégie de Géodis (le groupe routier marchandises et logistique de la SNCF) ne fait que préparer son démantèlement. Alors que les alliances multimodales sont largement nouées dans le Nord et l'Est de l'Europe, les atermoiements de la Direction ont conduit à isoler la SNCF et son Groupe. Le seul axe qui reste mal desservi se situe entre la Hollande et le Maghreb, via la France et la péninsule Ibérique. Pour la CFDT, les coopérations devraient se nouer entre la SNCF-Géodis, la SNCB-ABX, et la RENFE-Transfesa. Geopost [filiale de La Poste] pourrait assurer le bouclage d'un grand pôle public. Ces alliances répondraient au contournement de la fameuse "banane de transport" Angleterre Hollande Autriche Italie. Donnant enfin des perspectives sur le long terme au SERNAM, un tel regroupement permettrait, en s'appuyant au mode ferroviaire, de construire une véritable alternative multimodale répondant aux critères du livre blanc sur le développement durable, freinant la concurrence en mars 2003.

Un groupe au service de la SNCF

Pour la CFDT, l'avenir du Groupe SNCF ne se construit pas en multipliant les filiales sur son cœur de métier, mais en développant les filiales existantes en synergie avec la maison mère. C'est de cette façon que la SNCF restera maître d'œuvre de la logistique, de la Messagerie et de l'Express ainsi que du transport combiné. C'est ainsi qu'elle complétera son offre aux voyageurs, aussi bien sur le réseau régional que national et européen. C'est aussi le moyen d'assurer les meilleures garanties sociales aux salariés.

 

SNCF/Europe : à surveiller !

La CFDT exige depuis longtemps qu'un débat sur les évolutions européennes de la SNCF puisse s'instaurer: Le 18 avril, dans une motion unanime de son conseil national, la CFDT, inquiète des évolutions en cours au niveau national et européen, invitait la Direction à créer une structure de consultation qui permette de contrôler les activités de la SNCF et de son groupe. Un document d'à peine 9 pages, prétendant résumer l'ensemble de "la politique européenne de l'entreprise" a été présenté au CCE le 17 septembre 2002.

Deux heures ont été consacrées en tout et pour tout à ce sujet, à six mois de la date limite d'application du 1er paquet ferroviaire.

Non seulement cela est bien tardif; mais il est toujours impossible d'identifier qui pilote et coordonne le dossier Europe au sein de l'entreprise. En conséquence, la CFDT renouvelle sa proposition de mettre en place un organisme extérieur destiné à mieux évaluer avec les citoyens, la façon dont l'entreprise publique se comporte afin d'éviter la dérive capitalistique qu'a connue EDF.

 

Le dialogue social européen,

Les ambiguïtés de la Direction SNCF et les exigences de la CFDT

Par Denis ANDLAUER

La multiplicité des alliances patronales européennes entre opérateurs ferroviaires aggrave les conditions de négociation sociale. Après les Gestionnaires d'Infrastructures, c'est maintenant au tour des Entreprises Ferroviaires privées de fret de se constituer en syndicat patronal. La CER (Communauté Européenne du Rail, ex CCFE, représentant les Directions d'entreprises ferroviaires) ne doit plus être seulement une addition d'entreprises, mais un véritable interlocuteur capable de faire évoluer rapidement le dialogue social dans une Europe qui veut unifier le ferroviaire et qui est devenue un lieu de décision. La SNCF doit permettre le développement du droit syndical européen permettant une réelle représentation des cheminots.

L'interopérabilité transfrontalière, c'est aujourd'hui !

La CFDT ne connaît toujours pas la position de la SNCF sur les discussions concernant la licence européenne pour les conducteurs et les conditions d'utilisation du personnel roulant. Il est urgent d'aboutir à un accord paritaire avant le 15 mars 2003 pour ne pas laisser la commission légiférer à la place des partenaires sociaux. L'interopérabilité doit se faire dans un cadre réglementaire permettant de garantir la formation, les compétences et les conditions d'utilisation du personnel pour réaliser une sécurité de haut de niveau, indispensable au développement du transport ferroviaire.

Les " nouveaux entrants " , c'est déjà demain !

Un cadre social reprenant l'essentiel des garanties fournies par le statut des cheminots devrait être applicable et opposable à toute nouvelle entreprise ferroviaire sur le territoire national. La CFDT n'accepte pas que les fonctions de sécurité soient confiées à la sous-traitance. La position de la SNCF par rapport au projet d'arrêté ministériel sur "les aptitudes physiques et professionnelles" n'est pas claire. Compte tenu des pratiques qu'elle a instituées avec VFLI, on comprend mieux pourquoi! De plus, les "contrats de coopération" se multiplient (BASF et SWEG), sans qu'aucune instance nationale n'en soit informée alors que les critères sociaux et de sécurité semblent loin d'être remplis. De fait, la SNCF affaiblit sa propre position vis à vis de nouveaux entrants.

Pour la CFDT, la SNCF doit rester la référence en matière d'habilitations, tant pour la médecine du travail que pour la formation de tous les salariés présents sur le réseau ferroviaire français. Elle doit avoir la compétence de contrôle et de validation.

En conclusion

La CFDT approuve une politique européenne qui a pour but de faire passer le transport ferroviaire au premier plan de l'intérêt collectif en tant que moyen de transport contribuant au développement durable.

Elle désapprouve la direction lorsqu'elle cherche à transformer progressivement l'EPIC qu'est la SNCF en une entreprise capitalistique désintégrée vaguement pilotée en holding où plus personne ne sait vraiment qui fait quoi. La langue de bois pratiquée par la direction sur l'Europe est un modèle du genre: "Le champ européen et les évolutions qui s'y déroulent présentent certes des risques, mais également de nombreuses opportunités. La SNCF possède des atouts forts qui la placent en bonne place pour gagner du trafic sur de nombreux fronts. " Si on remplace "SNCF" par "entreprise", et "trafic" par "marché", on peut l'appliquer aussi bien à Vivendi qu'à l'épicier du coin !

Les cheminots devront veiller à ce que la SNCF se conduise "poliment" en dehors des frontières de l'hexagone en n'exportant que les modèles qui font de notre entreprise publique une référence sociale et économique. Dans le même temps, il faudra s'opposer fermement à toute circulation d'opérateur français ou étranger qui ne respecterait pas ces mêmes critères sociaux et de sécurité.